samedi 31 octobre 2009

Le mythe de la surpopulation

Ceux qui prétendent que la croissance démographique est le gros problème environnemental sont en train de blâmer les pauvres pour les péchés des riches

Au début des années soixante, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) tint à Genève une réunion peu médiatisée mais capitale, dont le but était d’examiner un danger majeur pour l’espèce humaine : la surpopulation du globe. Nous étions en train d’atteindre les six milliards et rien, désormais, ne pouvait plus freiner l’explosion exponentielle. Ni épidémies ni guerres n’allaient y suffire. Alerte rouge. Que faire ?

Assistaient à ce mémorable brainstorming des représentants de la science en marche et un peu aussi du capital, dont, entre autres, des cadres d’IBM, alors objet des attentions détonantes de la Rote Armee Fraktion (plus connue sous le nom de Bande à Baader - NDR), et feu Robert McNamara, occupé quant à lui à résoudre la quadrature du cercle au moins au Vietnam, à l’aide de napalm, de défoliants et d’agent orange.

N’y assistaient pas les Chinois, qui allaient opter chez eux pour la solution pragmatique d’un seul enfant autorisé par famille (fin des années 70).

N’y assistait pas non plus l’écrivain anglais John Cowper Powys, qui venait de mourir (1961) et qui aurait pu être pourtant de bon conseil, car il avait écrit, en substance : « La terre ne produit-elle pas assez de fruits pour nourrir tous les enfants des hommes ? Bien sûr que si. Il suffirait que ces fruits soient répartis entre eux équitablement et que certains hommes cessent d’accaparer stérilement ce qui est nécessaire à la survie de tous. » (Nous résumons.)

Au moment où les progrès foudroyants de la technologie ont rendu inutiles à ces « certains hommes » le travail fourni par la majeure partie des autres, mais où cette majeure partie, devenue improductive, va avoir le mauvais goût de continuer à manger...

Au moment où l’OMS semble avoir renversé ses priorités et, au coude à coude avec les détenteurs abusifs des moyens chimico-biologiques de sauver ou d’exterminer leurs semblables, prétend nous protéger, par la force, d’une pandémie fantôme...

Il devient urgent, pour la « majeure partie », d’identifier correctement les dangers réels qu’elle court et de prendre elle-même les mesures adéquates pour y faire face. Le révérend Swift étant mort, M. George Monbiot, pour sa modeste part, s’y est collé (le 28 septembre dernier, dans le Guardian).

Ce n’est pas une coïncidence si ceux qui sont obsédés par la croissance démographique sont d’opulents hommes de race blanche, qui ont passé l’âge de se reproduire : c’est bien la seule question environnementale pour laquelle ils ne sont pas à blâmer. Le brillant spécialiste des systèmes de la terre, James Lovelock, par exemple, a prétendu le mois dernier que « ceux qui ne voient pas que la croissance démographique et le changement de climat sont deux faces d’une même médaille, sont soit ignorants, soit refusent de voir la vérité. Ces deux énormes problèmes environnementaux sont inséparables, et discuter de l’un en ignorant l’autre est irrationnel. » (1) Eh bien, c’est Lovelock qui est ignorant et irrationnel.

Un article publié hier dans la revue Environment and Urbanization (Environnement et Urbanisation) montre que les endroits où la population a augmenté le plus vite sont ceux où l’émission de carbone dioxide a augmenté le plus lentement, et vice versa. Entre 1980 et 2005 par exemple, l’Afrique Sub-Saharienne a produit 18,5% de la croissance démographique mondiale, et à peine 2,4% de l’augmentation de CO2. L’Amérique du Nord n’a produit que 4% de population en plus, mais 14% des émissions de carbone excédentaires. Soixante-trois pour cent de la croissance démographique mondiale sont à imputer à des endroits du globe où l’émission de CO2 est très faible.

Même ceci ne rend pas une image exacte de la réalité. L’étude souligne qu’à peu près un sixième de la population est si pauvre qu’elle ne produit aucune émission de carbone significative. C’est aussi ce groupe dont la croissance en population est susceptible d’être la plus forte. Aux Indes, des foyers où l’on gagne moins de 3.000 roupies par mois (± 43 €) consomment, par tête, un cinquième de l’électricité et un septième du carburant d’un foyer où l’on gagne 30.000 roupies ou plus. Ceux qui dorment dans les rues ne consomment pratiquement rien. Ceux qui vivent de la récupération des déchets (2) - une grande partie de la sous-classe urbaine - économisent souvent plus de gaz à effet de serre qu’ils n’en produisent.

Beaucoup des émissions pour lesquelles les pays les plus pauvres sont blâmés devraient, en bonne justice, nous être attribuées. Les torchères des compagnies exportatrices de pétrole du Nigéria, par exemple, ont produit plus de gaz à effet de serre que toutes les autres sources de l’Afrique Sub-Saharienne mises ensemble. Même la déforestation dans les pays pauvres, est causée principalement par les opérations de livraison de bois, de viande et de fourrage aux consommateurs des pays riches. Les paysans pauvres font infiniment moins de mal.

L’auteur de l’article, David Satterthwaite, de l’Institut International pour l’Environnement et le Développement, fait remarquer que la vieille formule enseignée à tous les étudiants en développement selon laquelle l’impact total (du CO2 sur l’environnement) équivaut à la population x la richesse x la technologie (I =PRT), est fausse. L’impact total devrait être mesuré ainsi : I = CRT, c. à d. consommateurs x richesse x technologie. Beaucoup de gens dans le monde consomment si peu qu’ils ne figureraient pas dans cette équation. Or, ce sont eux qui ont le plus d’enfants.

Alors qu’il y a une corrélation faible entre le réchauffement global et la croissance de la population, il y a une corrélation forte entre le réchauffement global et la richesse. Je suis allé jeter un coup d’oeil à quelques super yachts, me disant que je pourrais avoir besoin d’un endroit où traiter les ministres du Labour dans le style auquel ils sont habitués. D’abord, j’ai jeté mon dévolu sur le RFF 135 de la Royal Falcon Fleet, mais quand j’ai découvert qu’il ne consommait "que" 750 litres de fuel à l’heure, je me suis rendu compte que je n’allais pas impressionner Lord Mandelson avec ça. Je n’en mettrais pas non plus plein la vue du côté de Brighton avec l’Overmarine Mangusta 105, qui ne pompe "que" 850 litres à l’heure. Le rafiot qui m’a tapé dans l’oeil est fabriqué par Wally Yachts à Monaco. Le Wally Power 118 (qui donne aux wallies – lisez tarés - une sensation de puissance) consomme ses 3400 litres à l’heure, quand il voyage à 60 noeuds. C’est presque un litre à la seconde. Une autre façon de le dire est : 31 litres au km.

Évidemment, pour faire un vrai tabac, il me faudra l’équiper en teck et en acajou, embarquer quelques jet skis et un mini-sous-marin, amener mes invités à la marina en jet privé et en hélicoptère, les nourrir de sushis au thon à nageoires bleues et de caviar Beluga, et conduire la bête à une allure telle que la moitié de la vie sous-marine méditerranéenne sera réduite en purée. Propriétaire d’un de ces yachts, je ferai plus de mal à la biosphère en dix minutes que la plupart des Africains n’en font dans toute leur vie. Là, oui, on peut dire que ça chauffe, baby !

Une de mes connaissances, qui fréquente les gens de la haute, me dit que, dans la ceinture banquière de la vallée de la Tamise Inférieure, il y a des gens qui chauffent leur piscine extérieure à la température du bain d’un bout de l’année à l’autre. Ils aiment y regarder les étoiles en faisant la planche par les belles nuits d’hiver. Le carburant de chauffage leur coûte 3.000 £ par mois (soit ± 3200 €). Une centaine de milliers de personnes, vivant comme ces banquiers, épuiseraient les écosystèmes nécessaires à notre survie plus rapidement que 10 milliards de gens vivant comme la paysannerie africaine. Au moins les super-friqués ont-ils le tact de ne pas trop se reproduire, si bien que les riches vieillards qui jettent l’anathème sur la reproduction leur fichent la paix.

En mai, le Sunday Times a fait paraître un article intitulé : « Un club de milliardaires se mobilise pour faire rendre gorge à la surpopulation ». Il révélait que « certains éminents milliardaires américains se sont rencontrés secrètement » pour décider quelle bonne cause ils pourraient soutenir. « Un consensus a émergé pour adopter une stratégie stygmatisant la croissance démographique en tant que menace environnementale, sociale et industrielle potentiellement désastreuse ». En d’autres termes, les ultra-riches ont décidé que c’étaient les très pauvres qui étaient en train de saloper la planète. On se défonce pour trouver une métaphore adéquate, mais en vain : c’est au-delà de toute caricature.

James Lovelock est, avec Sir David Attenborough et Jonathan Porrit, un des parrains d’OPT (Optimum Population Trust, ou « Trust pour une Population Optimale »). C’est là une des douzaines d’organisations « caritatives » (3) dont le seul but est de décourager les gens de faire des enfants, au nom du sauvetage de la biosphère. Mais je n’ai pas été capable d’en trouver une seule dont le but fût de mettre en cause l’impact sur la biosphère du comportement des très riches.

Les pinailleurs pourraient me rétorquer que ceux qui se reproduisent rapidement aujourd’hui pourraient, demain, devenir plus riches. Mais, comme les super-riches accaparent une part toujours plus grande du gâteau et que les ressources commencent à être à sec, cette éventualité diminue de jour en jour. Il y a de fortes raisons sociales d’aider les gens à contrôler leur procréation, mais de très faibles raisons environnementales. Sauf chez les populations les plus opulentes.

L’Optimum Population Trust feint d’ignorer que le monde va vers une transition démographique : les taux de croissance de la natalité baissent à peu près partout, et le nombre d’êtres humains a des chances, d’après un article paru dans Nature, de culminer, en ce XXIe siècle, aux alentours de 10 milliards. La plus grande partie de cette croissance se fera chez ceux qui ne consomment presque rien.

Mais personne ne prévoit une transition dans la consommation. Les gens font moins d’enfants au fur et à mesure qu’ils deviennent plus riches, mais ils ne consomment pas moins, ils consomment davantage. Comme le montrent les habitudes des super-riches, il n’y a pas de limites à l’extravagance humaine. On peut s’attendre à ce que la consommation augmente, de pair avec la croissance économique, jusqu’à emboutir les amortisseurs de la biosphère. Quiconque comprend ceci et continue à considérer que c’est la population et non la consommation qui représente LE gros problème, refuse, comme le dit Lovelock, de voir la vérité. (4) C’est la pire espèce de paternalisme : celle qui blâme les pauvres pour les excès des riches.

Mais où sont donc les mouvements de protestation contre la richesse puante qui détruit nos systèmes de vie ? Où est l’action directe contre les super yachts et les jets privés ? Où est cette fichue lutte des classes, quand on a besoin d’elle ?

Il serait temps que nous ayons assez de cœur au ventre pour mettre le doigt sur la vraie plaie. La plaie n’est pas le sexe, c’est l’argent. Ce ne sont pas les pauvres, ce sont les riches.

George Monbiot
27.10.09

(1) Voir notes justificatives des citations sur www.monbiot.com
(2) C’est-à-dire qui se nourrissent dans les dépôts d’ordures. (NdT)
(3) C’est-à-dire exemptées d’impôts.
(4) Ou, comme disait Mme la Comtesse de Ségur, née Rostopchine : se met à l’abri de la pluie dans la mare.


The Guardian, relayé par Information Clearing House
http://www.informationclearinghouse.info/article23624.htm
Traduction : C.L. pour le Grand Soir

Cette question est une nouvelle fois abordée dans le livre "La Démocratie Mensonge" - 2008 - Daniel Vanhove - paru aux Ed. Marco Pietteur dans la coll. Oser Dire - 17 € - dénonçant cette analyse des riches à l'encontre des pauvres.

" (...) Or, depuis plusieurs années, voire quelques décennies maintenant, des chercheurs de toutes disciplines publient les résultats de leurs travaux, et dans leur écrasante majorité, confirment le chaos qui s'annonce. Ou plutôt qui se vérifie déjà à travers nombre d’indices, en s’accélérant dangereusement. Leur constat est d’une simplicité déroutante que même un enfant de sept ans pourrait comprendre : si, comme nos gouvernants, laquais soumis aux intérêts des multinationales, s’entêtent à nous le répéter, Etats-Unis en tête, notre modèle de société était étendu à l’ensemble des pays de la Terre, il faudrait au minimum cinq planètes comme la nôtre pour permettre à chacun de vivre comme nous vivons en Occident… Cela ne suffit-il pas pour comprendre et déclarer que manifestement, notre système n’est pas le bon !?... Et qu’il y a donc lieu de changer de cap, sans tarder !
Quelques hurluberlus, consultés en tant que « spécialistes » et payés pour leurs grotesques élucubrations, consacrent même leur temps depuis des années, à envisager les moyens nécessaires afin d’occuper d’autres planètes quand la nôtre sera devenue invivable, ou trop pauvre en ressources pour nous abriter tous… Courant 2007, des « experts » nous informaient que dorénavant, un habitant sur deux de la planète, vivait dans une grosse agglomération. Les mêmes nous ressassent régulièrement que le premier problème auquel nous devons faire face est la surpopulation mondiale… mais aucun d’eux ne précise qu’à ce jour, nous occupons moins de 15% de la surface du globe… Bref, n’importe quoi ! Quand, avec les technologies que nous maîtrisons aujourd’hui, et les montagnes de devises dans les coffres des banques, nous pourrions travailler ensemble à la suppression des déséquilibres que nous avons créés et que nous perpétuons par nos erreurs, nos égoïsmes et nos entêtements (…)" (p.14)
[Disponibilité du livre: 0032 (0)476 841 969]

vendredi 30 octobre 2009

Communiqué de presse : « Collectif pour le respect à la Démocratie »

Lettre ouverte au gouvernement Fédéral, Régional et Communautaire de Belgique

Abstention de notre pays lors du vote au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies concernant le rapport « Goldstone » sur les crimes de guerre de l’Etat israélien - Mission économique de la Région Bruxelles Capitale et Israël – Festival du Cinéma israélien - Tapis de fleurs pour Tel-Aviv...

Notre pays vient de s’abstenir lors du vote du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies sur le rapport « Goldstone », le 23 octobre dernier. Ce rapport met en évidence les nombreux crimes de guerre, voire contre l’humanité, perpétrés par le gouvernement israélien lors de l’opération « plomb durci » à Gaza au mois de décembre 2008 – janvier 2009.
Lorsque nous analysons le résultat final, nous constatons que les pays européens ont voté majoritairement contre le-dit rapport (Pays-Bas, l'Italie, la Slovaquie, la Hongrie), tandis que la France et la Grande-Bretagne ont refusé d’y participer, démontrant ainsi le mépris de certains Etats européens à l’égard de l’Institution et des victimes palestiniennes. Le rapport a finalement été adopté à une courte majorité, grâce aux voix des pays du Sud, ce qui vaut aujourd’hui à Israël d’être mis à l’index et de présenter ce rapport comme « injuste » voire « antisémite », là où l’initiateur du rapport, Monsieur Goldstone est lui-même issu de cette communauté.

Cependant, nous ne pouvons nous satisfaire de cette abstention qui dans ce cas équivaut à un soutien à la politique belliqueuse israélienne, faite d’occupation, de violations systématiques de toutes les Résolutions des Nations Unies. Notre pays ainsi que l’Europe bafoue nos valeurs démocratiques en adoptant, une fois de plus, une posture politique inexcusable et plus grave injuste.

En outre, que la mission économique soit directement impulsée par le gouvernement bruxellois où le Ministère en charge des affaires extérieures de la Région à savoir, le Ministre Benoît Cerexhe (CDH) démontre là aussi, le mépris à l’égard des 1.400 victimes palestiniennes, dont de très nombreux civils victimes des obus et balles israéliens, sans parler des milliers de blessés et de personnes traumatisées. A ce jour, tant le gouvernement bruxellois que le Ministre Benoît Cerexhe se taisent dans toutes les langues et ce malgré les très nombreuses interpellations citoyennes.

Nous avons également appris que la Région bruxelloise financera avec le soutien de l’Ambassade d’Israël, le festival du cinéma israélien de Bruxelles qui se déroule actuellement. Ce dernier est organisé dans le cadre du 50ème anniversaire du CCLJ. Le Centre communautaire laïc juif est une antenne de la gauche sioniste radicale, proche des travaillistes qui ont déclenché l’opération « plomb durci » à Gaza. L’actuel président israélien, Shimon Perez est lui aussi un travailliste des plus belliqueux qui n’hésite pas à justifier et à défendre le passif criminel israélien.
Ainsi, grâce à la Région bruxelloise et aux partis politiques qui sont dans la majorité, chaque Bruxellois soutient financièrement le projet communautariste du CCLJ qui se voit ainsi récompensé pour son soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël. La proximité du CCLJ avec un parti de gauche belge est à nos yeux, une collaboration des plus cyniques.

Enfin, le bourgmestre de la ville de Bruxelles, Freddy Thielemans (PS) s’est rendu mi-septembre en Israël en offrant un tapis de fleurs (financé par une société belge) dans le cadre du 100è anniversaire de la création de la ville de Tel-Aviv. Le bourgmestre a tenu un discours avec son homologue israélien à Tel-Aviv. Le voyage aurait été payé par la ville de Tel-Aviv, même si le bourgmestre l’a nié après avoir rencontré le 22 septembre une délégation citoyenne offusquée par ce blanc-seing donné à un Etat qui bafoue toutes les Résolutions des Nations Unies.

En fin de compte, toutes ces lâchetés additionnées et à chaque fois, justifiées par nos édiles politiques ou notre gouvernement (voir encore récemment le fameux rehaussement de l’accord économique entre l’Union Européenne et Israël au mois de décembre 2008 faisant d’Israël un membre quasi permanent de l’UE) sont des compromissions et des collaborations avec un régime qui sous prétexte d’être « démocratique », mais avec un gouvernement hétéroclite dont l’extrême droite, reçoit une carte blanche pour poursuivre son projet ségrégationniste, colonialiste et criminel.

Aujourd’hui, plus qu’hier, nous exigeons de notre gouvernement fédéral, régional et communautaire, une attitude responsable et respectueuse du Droit international.

A savoir :

1. Exiger le respect du Droit international afin de mettre fin au blocus et à l’embargo de la Bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie avec les multiples check-points.
2. Suspendre tous les accords commerciaux avec Israël tant que ce dernier poursuit ses multiples violations concernant le Droit humanitaire et les Droits de l’Homme.
3. Exiger Israël à se conformer au Droit international en respectant notamment la décision de la Cour Internationale de Justice de la Haye concernant le mur de la honte qui pénètre le territoire palestinien et divise les familles et les villages palestiniens.
4. Soutenir et ratifier le rapport « Goldstone »
5. Participer à la campagne de boycott international tant que ce pays ne respectera pas les Accords internationaux.
6. Exiger d’Israël le respect de toutes les Résolutions des Nations Unies.
7. Exiger d’Israël la libération de milliers de prisonniers politiques palestiniens, dont Marwan Barghouti kidnappé depuis 2002 en violation de toutes les règles internationales avec notamment des traitements inhumains et dégradants.
8. Exiger d’Israël la libération de plusieurs centaines de mineurs palestiniens incarcérés dans les prisons israéliennes sans jugement.

En outre, nous exigeons de nos politiques que les deniers publics ne soient plus attribués aux associations sionistes de Belgique qui promeuvent un projet communautariste de soutien à une politique criminelle.

Les Palestiniens déshumanisés, sont un peuple ouvert, dynamique à la culture séculaire qui quotidiennement face à une occupation invraisemblable, résistent via les actes politiques et civiques, les arts et la culture et toutes les formes d’expression non-violente.

Nous continuerons à militer afin que nos multiples gouvernements ne soient plus « hors-la-loi » par rapport aux règlements communautaires européens.
Nous continuerons à informer et sensibiliser l’opinion publique, les associations et les médias afin de mettre en évidence vos politiques ignominieuses ou, espérons-le, justes et courageuses.

Salutations distinguées.

Mouedden Mohsin
GSM : 0473.595.407
mohsin.mouedden@gmail.com

Co-signataires:
Najat Saadoune, présidente Dar el Ward
Yacob Mahi, islamologue
Daniel Vanhove, observateur civil en Palestine & Auteur
Karima El Mouzghibati, juriste
Oscar Florès, citoyen
Moussaddaq Abdou, citoyen

Le collectif pour le respect de la Démocratie est une association fondée en 2002 suite aux multiples crimes racistes en Belgique. Il a pour objectif de militer en faveur d’une société respectueuse des valeurs démocratiques et humanistes.

Bhopal : les coulisses feutrées d’une catastrophe

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, une explosion dans une usine de pesticide répand un gaz toxique sur la ville de Bhopal, en Inde. Suite à cet accident industriel, un des plus lourds à ce jour, de dix à vingt mille personnes perdront la vie. Plusieurs centaines de milliers d’autres en sortiront blessées.

Le propriétaire de l’entreprise était alors Union Carbide. En 1984, Victor Dedaj travaillait comme consultant informatique pour cette multinationale à Genève. Vingt-cinq ans après, il témoigne.

4 décembre 1984. Le lendemain de la catastrophe. Victor Dedaj arrive au prestigieux immeuble d’Union Carbide. Le siège « Europe and Middle East » de la multinationale se trouve à Genève, chemin Louis Dunant. Du septième étage, ses occupants observent régulièrement les manifestations des laissés-pour-compte devant les bâtiments des Nations unies.

Même s’il est un consultant externe, Victor n’a aucune difficulté à franchir les portiques de la société Union Carbide SA. En permanence sur place pour gérer le système informatique comptable, il est un des rares « extérieurs » à posséder son badge d’entrée. Ses responsabilités sont importantes. Victor gère notamment tous les paramètres informatiques des rapports financiers envoyés au siège central, à Danbury (Connecticut – USA).

Le couloir qui mène au restaurant de la société est jalonné de photos représentant quelques sites industriels de la société. Ce jour-là, Victor remarque des traces de poussières délimitant un cadre. Quelqu’un a discrètement retiré un tableau : celui du site de Bhopal. Ce sera la seule réaction interne à propos de la catastrophe. Victor ne se souvient d’aucune discussion, aucune information donnée par la direction à ce propos. Et certainement pas d’un traumatisme collectif du personnel. « Si le 11 Septembre s’était déroulé en Inde, personne ne s’en souviendrait », assène-t-il.

La fureur du monde, fût-elle provoquée par Union Carbide, ne rentre pas dans l’immeuble cossu de la multinationale. « L’ambiance était feutrée, on était entre nous, se souvient Victor. Les choses allaient de soi, c’était une façon d’être. Et personne ne parlait de Bhopal. Le sujet ne rentrait pas dans les perspectives du personnel. Je dirais qu’il aurait été indélicat de parler de “ces choses-là”. » Aussi, quand le journaliste et romancier Dominique Lapierre décrit des employés en sanglots, Victor hausse les épaules : « Bhopal dépendait de Genève. Si rien n’a été perçu chez nous, je doute que la catastrophe ait durement affecté les employés américains. »

De fait, à Genève, la catastrophe et ses conséquences dramatiques pour des milliers d’Indiens ne changent rien à la « belle époque » d’Union Carbide. Alors que des indices signalent des manquements criants de la société, les salaires restent plantureux. Les avantages en nature sont légion. Et surtout, la fête est « permanente ». Victor se souvient des virées au PussyCat en Mercedes avec les pontes d’UC. Travestis en hauts talons et champagne à volonté. Sur le compte de la société évidemment.

Mais en 1985, les nuits blanches sont aussi occupées par le travail. Victor est chargé de gérer l’éclatement des bases de données d’Union Carbide en plusieurs entités. L’objectif : séparer les différentes activités de la société et les revendre au plus offrant. Il évoque une opération « exceptionnelle ». Lorsqu’il a reçu la consigne de séparer les activités d’UC, « il s’agissait tout simplement d’échapper à la justice indienne, cela allait de soi et tout le monde le comprenait ainsi ».

Une des nouvelles entités juridiques dont Victor crée la comptabilité est composée de… cinq employés, basés à Genève. Victor se demande à quoi elle sert. « A jeter des miettes aux pigeons indiens », répond le responsable informatique Europe, Ken Brown.

Ces « miettes » seront ramassées en 1989. Alors qu’initialement, le gouvernement indien exigeait 3 milliards de dollars, la Cour suprême indienne passe un accord avec Union Carbide pour un dédommagement de 470 millions de dollars. En contrepartie, ce jugement dédouanait la multinationale de toute responsabilité civile ou pénale. Les victimes ne furent pas consultées. Satisfait de l’accord, Union Carbide s’empressa de payer les 470 millions dans les quinze jours ! Quand cet accord fut rendu public, l’action de la multinationale a gagné 2 dollars en un jour. Dans les dix ans qui ont suivi, Union Carbide a revendu ses diverses branches pour un montant d’environ 10 milliards de dollars. La dernière vente fut la section chimie, à laquelle appartenait Bhopal.

Mais pourquoi vendre si un accord avec la justice indienne renonçait à toute poursuite ? D’abord parce que le jugement fut revu : des poursuites pénales furent rouvertes en 1992, notamment envers le président de l’époque, Warren Anderson (1). Ensuite, selon Victor, « Union Carbide avait surtout peur que les procès et demandes de compensation financières se multiplient à l’infini. Au fur et à mesure que le temps avançait, il y avait de plus en plus de morts ».

De ces jeux d’argent, chaque victime a reçu, selon divers calculs, entre 500 et 1.000 dollars de dédommagements pour une vie gâchée. « 99 % des victimes n’avaient aucune idée de ce que les sommes en jeu pouvaient représenter pour l’entreprise américaine, à savoir : rien. »

Olivier Bailly
27.10.09

(1) Warren Anderson est le seul individu à être poursuivi pour répondre des manquements de la société américaine. Ce 31 juillet 2009, un magistrat indien a confirmé et émis une demande d’extradition pour Anderson.

Source: Le Soir

jeudi 29 octobre 2009

ACTIRIS incapable de payer les primes ACS de septembre pour raisons budgétaires

L'Union des Locataires de Saint-Gilles asbl est une petite association qui s'occupe de "droit au logement", d'aide aux locataires, de recherche de logements décents, etc. Nos frais de fonctionnement et salaires sont garantis par un subside "Insertion par le Logement" et ACTIRIS pour nos postes ACS (Agent Contractuel Subventionné) . En-dehors de ces subsides, nous n'avons évidemment aucun autre fonds. A noter que nos subsides "Insertion par le Logement" n'ont plus été indexés depuis 2006, c'est-à-dire qu'en réalité et de manière pratique ils sont en constante diminution. Si nous disons cela, nous croyons ne pas parler uniquement pour nous, mais pour toutes les associations "Insertion par le Logement".

Et cerise sur le gâteau, nous venons incidemment d'apprendre, suite à un coup de téléphone de notre part aux services ACTIRIS, que les primes ACS du mois dernier n'ont toujours pas été payées à ce jour (28 octobre) pour la simple et "bonne" raison que les réserves budgétaires actuelles d'ACTIRIS ne permettent pas d'effectuer les-dits paiements. La raison? Simple! Aux dires de l'employée qui répondait au téléphone, la Région de Bruxelles-Capitale est en défaut de payement d'ACTIRIS, sans doute dû aux problèmes budgétaires récurrents suite aux restrictions et à la crise financière. Bref, "y'a pas d'argent!!!" L'Etat "prête" des milliards d'euros aux banques et se trouve dans l'incapacité d'alimenter les comptabilités des associations et autres organismes d'aide sociale qui dépendent de ces aides. On nous dit que la situation sera "peut-être" rétablie la semaine prochaine, mais sans certitude.

Quelqu'un a-t-il d'autres informations à ce sujet? Que compte faire le dit "milieu associatif"? Encore une fois la boucler? Ou au contraire rugir et ruer dans les brancards? A quand une grève dans le social? A quand une manifestation? A quand... à quand...???
A bon entendeur, salut!!!

Union des locataires de saint-gilles asbl
rue Berckmans, 131 - 1060 Bruxelles
tél./fax: 02 538 70 34
blog: http://ulsaintgilles.canalblog. com

mercredi 28 octobre 2009

Femmes voilées : laissons-les en paix !

Des femmes et des jeunes filles musulmanes portent le foulard. Cela gêne, irrite, enrage même pas mal de monde. Le Vlaams Belang en premier, bien entendu. Mais derrière lui une foule bariolée que l’on n’a pas l’habitude de voir défiler ensemble, mais qui se retrouve ici pour réclamer à l’unisson l’interdiction du voile à l’école et en d’autres lieux.

Nous sommes convaincus qu’ils ont tort. Pour le prouver il ne suffit pas d’invoquer la compagnie suspecte – même le Belang peut parfois avoir raison – ni la corrélation positive relevée par Vassilis Saroglou entre opposition au port du voile et propension aux attitudes racistes. Il faut plutôt tenter de faire comprendre à quel point les arguments invoqués pour persécuter le foulard sont d’une part aveugles à leur propre partialité et d’autre part trop peu sensibles aux conséquences qu’un brin de réflexion suffit à anticiper.

Partialité d’abord. Les partisans de l’interdiction du foulard postulent que les musulmanes qui le portent y sont obligées par les hommes de leur communauté. Ce n’est pas toujours vrai, loin de là, mais supposons que ce le soit. Obliger des femmes, et seulement des femmes, à se couvrir la tête, nous dit-on, est une pratique qui entretient des liens évidents avec l’inégalité entre les sexes, avec la libido des hommes et avec la domination que ceux-ci exercent sur les femmes. C’est vrai. Mais cette asymétrie vestimentaire n’est pas exactement une exception dans les sociétés humaines.

Ainsi, nous en connaissons une où les femmes portent fréquemment des jupes et d’inconfortables chaussures à talons hauts. Nous en connaissons même une où les hommes peuvent circuler torse nu dans les parcs publics et les piscines sans être inquiétés, et où les femmes qui feraient de même seraient illico embarquées pour outrage aux bonnes mœurs. Qui niera que ceci aussi ait quelque chose à voir avec la libido masculine et l’oppression des femmes ? Pourtant, curieusement, personne ne semble prôner l’interdiction du soutien-gorge dans les piscines avec la même ardeur que l’interdiction du foulard à l’école.

Les critères de décence varient d’une culture à l’autre. Dans les sociétés libérales comme dans les sociétés musulmanes, la différenciation sexuelle de ces critères est la règle et manifeste des rapports de pouvoir complexes entre les sexes. L’obsession actuelle pour le foulard semble donc difficilement pouvoir échapper à l’objection des « deux poids, deux mesures ». Loin de défendre « nos valeurs », elle viole l’idéal de respect mutuel impartial dont se revendiquent nos démocraties libérales.

Cette obsession éradicatrice ne fait pas meilleur ménage avec l’idéal de liberté. Remplacer une obligation héritée d’un père ou d’une mère par une interdiction imposée par un directeur ou un ministre ne peut être jugé libérateur que par ceux qui se font de la liberté une conception bien particulière. La liberté, c’est avoir le droit de poser des choix. C’est être considéré comme capable d’en poser. C’est surtout en avoir réellement la possibilité. De ce point de vue, la question du port du foulard est bien superficielle. Bien plus cruciale est la question de savoir comment fournir aux élèves musulmanes comme à tous les adultes de demain une formation scolaire qui augmente leur marge de choix dans tous les domaines. Et qui permette ainsi de réduire les inégalités liées au sexe, à la classe sociale ou à « l’ethnicité », au lieu de les perpétuer.

Pareils raisonnements n’évacuent-ils pas une dimension centrale de la question, sa dimension religieuse ? Si on porte le foulard, c’est certes parce qu’on est femme, mais aussi parce qu’on est musulmane. Ici encore, ce n’est pas toujours vrai : les immigrées chrétiennes d’origine arménienne ou araméenne ne portent guère moins le foulard que les femmes musulmanes de la même génération. Mais peu importe. Supposons que tous voient dans le port du foulard une obligation religieuse. Et alors ?

La foi serait-elle un nouveau pudendum ? [En médecine, terme parfois utilisé pour signifier les parties génitales de l'individu - NDLR] Et la manifestation d’une conviction religieuse, une forme d’attentat à la pudeur ? Après Le sexe et l’effroi (Pascal Quignard, éd. Gallimard), le moment est-il venu de passer à Dieu et l’effroi ? Et de cacher non seulement ce sein, mais cette croyance que l’on ne saurait voir ? Tel fondamentalisme impose aux musulmanes de coiffer le foulard avant d’émerger de leur maison ; tel autre exige qu’elles l’ôtent avant de franchir le seuil d’un parlement ou d’une école. Entre l’un et l’autre, la différence est-elle si évidente ?

Cette cécité à sa propre partialité prêterait à sourire si elle était sans conséquence. Ce n’est pas le cas. Même du point de vue des objectifs proclamés par les partisans de l’interdiction, la mesure serait gravement contre-productive.

En premier lieu, parce qu’elle pousse à la radicalisation. Les musulmanes sont devenues l’objet d’un conflit visant à déterminer comment il convient qu’elles s’habillent. Est-il si difficile de voir qu’il s’agit là d’une manière de s’approprier leur corps ? De comprendre que cette appropriation puisse susciter des réactions de crispation ? De se rappeler que la stigmatisation incite à retourner le stigmate ? D’imaginer, enfin, que la disqualification des pères et des frères ou de la religion des ancêtres invite cent Antigone voilées à se soulever, comme dans la pièce de François Ost ? Cent Antigone qui, forcées de se soumettre à une interdiction perçue comme arbitraire et humiliante, arboreront le foulard ailleurs avec d’autant plus d’ardeur, voire d’extravagance ?

En second lieu, parce qu’elle comporte un risque sérieux de piliarisation perverse de notre système scolaire. Il existe un moyen de contourner l’interdiction proposée : la création d’écoles musulmanes, dans lesquelles le port du foulard pourra être imposé comme l’est aujourd’hui le port de la kipa dans les écoles juives. Cette solution, que notre constitution autorise, serait un désastre, en raison d’une corrélation entre confession religieuse et catégorie socioéconomique qui n’a jamais existé pour les écoles catholiques et les écoles juives. La ghettoïsation des écoles accueillant les enfants d’origine marocaine et turque, déjà excessive aujourd’hui, s’en trouverait encore renforcée.

Il nous faut aujourd’hui apprendre à vivre avec une pluralité nouvelle et irréversible. Pour y faire face efficacement et équitablement, il faut résister à la tentation d’imposer à toutes et à tous le moule auquel nous sommes accoutumés. Il faut au contraire infléchir nos institutions d’enseignement, officielles ou libres, confessionnelles ou non, de la maternelle à l’université, de manière à ce que musulmans et non musulmans puissent les fréquenter côte à côte, en s’y sentant toutes et tous pleinement respectés et reconnus. Il faut dès lors abandonner toute velléité d’interdiction générale du foulard. Il faut aussi récuser l’option irresponsable de laisser à chaque établissement la faculté de l’interdire ou de l’autoriser, avec pour effet, à terme, d’induire une concentration intenable dans les établissements qui ne l’interdiraient pas. Il faut au contraire avoir le courage d’interdire l’interdiction au niveau de l’ensemble de la Communauté française et de la Communauté flamande.

Au lieu de s’accrocher fébrilement à un passé révolu, il faut affronter lucidement le présent. Sans nullement renoncer à nos valeurs de tolérance et de solidarité. Au contraire, en les mettant en œuvre avec cohérence et fermeté. Face aux femmes et aux jeunes filles voilées, la fidélité à ces valeurs exige avant tout qu’on leur permette de se former sereinement à la citoyenneté et à l’emploi dans des écoles où elles côtoient des élèves très différents d’elles-mêmes sans avoir le sentiment de devoir renoncer à leur identité. Elle ne requiert donc nullement que nous nous acharnions à les dépouiller de leurs foulards. Elle requiert au contraire qu’on les laisse en paix.

Fabienne Brion - Centre de recherches interdisciplinaires sur la déviance et la pénalité, UCL
Philippe Van Parijs - Chaire Hoover d’éthique économique et sociale, UCL
27.10.09
Source: Lesoir.be

mardi 27 octobre 2009

Mortel travail

L’un des signes majeurs de la décrépitude du politique entamée voilà trois bonnes décennies est la grande capacité des élites gouvernantes et intellectuelles à prendre le citoyen pour un crétin.

L’exemple du travail et de ses avatars morbides actuels va nous offrir l’occasion de dépeindre une réalité peu flatteuse pour la « clique néolibérale » si prompte à culpabiliser les gens de peu et les cadres rétifs, tous accusés de faire prendre du retard à « l’entreprise France ». Les « suicidés du travail » n’ont pourtant rien pour nous étonner. La croissance très sensible de leur nombre encore moins. Avoir le culot monstrueux de parler à cet égard d’une mode comme l’a fait M. Lombard, patron impitoyable de France Télécom, révèle de façon magistrale une époque déboussolée et une économie criminogène construite patiemment depuis la fin des années 1970. La fausse naïveté n’est donc pas de mise en la dramatique circonstance ; elle est une insulte à la mémoire des victimes du travail, à la douleur de leur famille et de leurs collègues se débattant encore dans le piège duquel la mort les a, eux, enfin délivrés. Terrifiante réalité !

Est-il vraiment nécessaire d’inventorier les si nombreux ingrédients qui ont contribué à façonner le monde du travail tel que le rêvait le Medef et tel que le loue les économistes orthodoxes ? La feinte et indécente surprise de trop nombreux observateurs nous incite à un bref passage en revue. Le fort développement conjoint de la flexibilité du travail et de la précarité de l’emploi, l’individualisation des rémunérations et des carrières au service de la concurrence entre salariés, l’acceptation de conditions de travail dégradées par des salariés craignant le chômage, la suspicion généralisée envers les arrêts de travail pourtant très majoritairement justifiés, l’introduction brutale des méthodes managériales privées dans les services publics, les atteintes répétées à l’expression du droit syndical et l’intimidation caractérisée envers les velléités d’adhésion syndicale des salariés dans les entreprises de taille modeste, etc. Tel est le funeste florilège des bouleversements subis dont le but unique déclaré – mais jamais clairement défini – est la recherche systématique de l’Efficacité. La capacité de travail des salariés est bel et bien redevenue en quelques décennies une marchandise vulgaire dont il convient de tirer tout le parti au nom du prétexte commode de l’impitoyable concurrence internationale.

Les éternels étonnés toujours tombés de la dernière pluie ne devraient pas pouvoir plaider l’ignorance. Ils sont souvent de grands lecteurs ou devraient l’être au regard de leurs éminentes fonctions. Il semble qu’ils ne lisent pas les bons livres et les bons rapports ! Cela fait déjà dix ans que Christophe Dejours a alerté l’opinion avec son ouvrage remarquable de lucidité sur le présent de l’époque et d’inquiétude pour l’avenir. « Souffrances en France » avait comme sous-titre « la banalisation de l’injustice sociale ». On a tellement sombré dans le banal qu’une vague de vingt-cinq suicides dus au travail parmi les salariés d’une seule et même entreprise peut aujourd’hui être présentée par son PDG comme une simple mode impulsée par la médiatisation de « quelques accidents de parcours » inévitables au temps de l’adaptation des structures productives. Il y a beau temps également que Jean-Pierre Le Goff a publié « la barbarie douce » renforcée elle aussi par un sous-titre sans équivoque : « La modernisation aveugle de l’école et de l’entreprise ». Mais dans un monde tout dévoué au commerce et au business, qui s’arrête sérieusement sur les écrits d’un psychiatre spécialisé en pathologies mentales du travail ou d’un sociologue à l’indépendance d’esprit ? Qui en fait une lecture suffisamment attentive et objective dans le but d’aider à enrayer les dérives mortifères clairement dénoncées par des hommes scrutant les méandres tortueux de la société marchandisée ?

Nos innocents aux mains coupables de ne pas avoir agi et au cerveau totalement occupé par la vulgate néolibérale ont encore moins lu les rapports alarmants du Collectif des médecins du travail de Bourg-en-Bresse. Chaque année depuis 2000, ils nous alertent inlassablement eux aussi sur la double difficulté d’exercer leur métier – ô combien indispensable dans le contexte de dégradation grave des espaces de travail – et de faire reconnaître la pertinence du concept de « santé au travail ». Des professionnels à la conscience chevillée au corps et qui ne confondent pas le serment d’Hippocrate avec un sermon hypocrite servi trop souvent au travailleur forcément flemmard. « D’abord ne pas nuire » au salarié n’est malheureusement pas le credo de trop nombreux médecins du travail qui préfèrent ne pas nuire au patronat.

Hélas ! le pire semble à venir. Le gouvernement Fillon sous insistance du Medef souhaite réformer la médecine du travail dans un sens bien peu progressiste. Les médecins du travail n’assureraient plus officiellement le service de santé au travail, mais seraient remplacés par un nébuleux « service de santé au travail » (SST). La « pénurie » de médecins du travail serait entérinée puisque infirmiers, personnel médical, médecins de ville s’y substitueraient. Les visites avec de vrais médecins du travail n’auraient plus lieu que tous les quatre ans « sur demande » et si « l’infirmier en santé au travail évalue le besoin de voir le médecin du travail ». La visite d’embauche aurait désormais un but de sélection et d’éviction. Actuellement, l’aptitude et l’inaptitude se définissent exclusivement en fonction des risques pour la santé du salarié à son poste de travail. L’aptitude deviendrait, comme sous Vichy, « l’absence de contre-indication physique ou psychique à la tenue par le salarié du poste de travail » et l’inaptitude comme « la contre-indication physique ou psychique entraînant une restriction pour le salarié de remplir une ou plusieurs tâches liées à son poste de travail ». Les mots « santé » et « risques » ne figurent même plus dans la définition de l’aptitude. Et tout cela avec des SST ayant des conseils d’administration où les employeurs disposent des deux tiers des siéges !

Aucun syndicat n’a accepté de signer ce texte en l’état, texte qu’il convient de qualifier de scélérat puisqu’il intervient au moment où au lieu de démanteler la médecine du travail il faut impérativement la renforcer. Terrifiante réalité, vous disait-on!

Yann Fiévet
26.10.09
Source: Le Grand Soir

Ce drame du suicide est également pointé dans le livre "La Démocratie Mensonge" - 2008 - Daniel Vanhove - paru aux Ed. Marco Pietteur dans la coll. Oser Dire - 17 € - qui dénonce sans détours ni artifices, le mensonge généralisé dans lequel se vautre une classe qui perpétue sa domination sur les autres qu'elle ne s'embarrasse pas d'écraser, sans le moindre scrupule.

"Sans risque de se tromper, l’on peut déclarer que notre monde se déshumanise lentement mais irrémédiablement. Résultat d'une brutalité inouïe s'exerçant sur nous à tous niveaux. Jusque dans les gestes anodins du quotidien, même à notre insu, et requérant dès lors une vigilance de chaque instant. Signe patent de l’échec de notre modèle de société, le suicide – qui ne se limite plus à la sphère privée mais se manifeste désormais partout : à l’armée, sur les lieux de travail, en prison – est depuis de nombreuses années dans nos pays dits « civilisés », une cause croissante de décès, dont les jeunes meurent d’ailleurs de plus en plus tôt. Terrible réalité, soigneusement passée sous silence par nos éminences politiques et nos médias, quand elle devrait tous, nous alarmer. " (p.11)
[Disponibilité du livre: 0032 (0)476 841 969]

lundi 26 octobre 2009

60 ans de Nakba | Le tribunal n’a pas eu de compassion…

Ce mercredi, nous – membres du mouvement des Combattants pour la Paix, des femmes de Machsom Watch ( veilleuses aux Check-points) , membres du forum des familles endeuillées pour la paix, et l’écrivain David Grossman - avons assisté à une audition de la Haute Cour de Justice au sujet de la clôture du dossier d’enquête pour un manque d’éléments probants sur la mort il y a environ trois ans de Abir Aramin, une fillette de dix ans.

L’audition qui avait été programmée à 11H, puis à 9H, puis à 10H , puis à 13H a finalement commencé à 14H. Les journalistes s’agitaient dans tous les sens dans le hall ( Qui est mort ? Une petite fille ? Vraiment ? Excusez-moi, Monsieur, est-ce que votre fille est morte ? Oui . Alors vous êtes Bassam Aramin ? Non, je suis Rami Elhanan. Oh ! désolé ! Mais où donc est Aramin ? Et vous, vous êtes qui ? Vous êtes de Machsom Watch ? De quel check-point ? Qu’est-ce que vous faites ici ? Et vous qui êtes-vous ? Je suis une amie. De ces Palestiniens ? Oui. Comment est-ce que c’est arrivé ? Comment est-ce que cela est possible ? Est-ce que je peux vous interviewer ? Est-ce que vous avez aussi une fille qui est morte ? Vraiment ? Où ? Quand ? Comment ? Quel était son nom ? Et après tout ça vous êtes de leur côté ?) … mais à la fin de la journée presque aucun média israélien n’a rapporté quoi que ce soit sur ce qui s’était passé.

Salwa et Bassam Aramin ne sont pas juifs, ils ne sont pas Israéliens. Ils vivent sous une occupation cruelle et ils ont expérimenté toutes les opportunités que celle-ci a à leur offrir : l’exil, l’emprisonnement et le meurtre de leur petite fille Abir, par une balle caoutchoutée qui serait supposée avoir été tirée par l’arme d’un militaire, policier des frontières, qui serait supposé avoir été installé dans sa jeep blindée et qui serait supposé avoir tiré par l’orifice qui serait supposé avoir été ménagé à cet effet , et il serait supposé avoir tiré dans la tête de la fillette qui était debout à côté de sa sœur devant une boutique où elle devait acheter des friandises pendant la récréation entre le premier et le deuxième cours de la journée.

Le projectile a été ôté du corps de l’enfant et a été remis aux autorités.

Les témoins visuels ainsi que les gardes frontières militaires ont attesté qu’il n’y avait pas de danger avéré pour leurs vies et que le tir avait eu lieu – s’il a bien eu lieu- en contrevenant aux instructions.

Deux légistes ont attesté qu’il était probable que la fracture dans le petit crane d’Abir ait été provoquée par une balle caoutchoutée. Le médecin de garde à Hadassah a dit qu’il ne s’agissait pas d’une balle réelle.

La vidéo de la reconstitution n’a été remise ni à l’avocat de la défense ni à la Cour car les soldats qui seraient supposés avoir tiré , ce qui veut dire qui ont passé le canon de leur arme dans l’orifice qui a été spécialement prévu à cet effet, qui ont visé et tiré dans la tête de Abir Aramin étaient filmés à l’enregistrement.

Une avocate représentant l’Etat, balbutiante, pas préparée, échevelée, plantée comme un commandant de section chargé de nouvelles recrues, tournant le dos au public, réfutait toutes les allégations : Ainsi ils ont trouvé un projectile ? mais qui sait depuis combien de temps il traînait là ? Des gens ont témoigné ? Mais quoi, ils peuvent ( ces Arabes) raconter n’importe quoi, est-ce que c’est ça un témoignage ? Ainsi, personne ne lançait de pierres à cet endroit ? Mais quoi, dans une rue pas loin de là on en a lancé. Si vous étiez à ma place, dit elle en riant à Michael Sfard , le défenseur des Aramin, vous les auriez déjà mis en pièces.

En pièces…

La juge Beinish rappelle à Sfard – à deux reprises- qu’il y a eu des incidents de cet ordre dans le passé et que les soldats ont rarement eu de procès ou même été inculpés, aussi, le mieux serait-il juste d’oublier. La représentante de l’Etat avec un rire : j’avais le plaisir de participer aux procès de ce genre.

En pièces…plaisir

Mais Salwa et Bassam Aramin n’ont pas d’autre choix que de demander justice dans une cour israélienne . Ils demandent que la vérité vienne en pleine lumière dans le tribunal des occupants, des meurtriers, « Pour que je puisse être en repos et qu’Abir puisse reposer en Paix » dit Salwa aux journalistes . Le crime parfait, a écrit Jean-François Lyotard, n’est pas seulement le meurtre mais aussi d’effacer les témoignages et de faire taire la voix des victimes. Et la plus grande injustice est de contraindre les victimes à demander justice au tribunal de leurs tortionnaires.

Comme la Juge Beinish le sous-entendait dans son commentaire à Sfard , le sang Palestinien ne vaut pas bien cher dans ce pays . Personne n’a jamais été puni pour avoir tué des Palestiniens - enfants, adultes, nouveau-nés ou vieillards - Les assassins juifs, eux, vivent parmi nous libres et heureux.

Les assassins de nos enfants israéliens, les suicidaires palestiniens, au moins ont dit : « Laissez-moi mourir avec les Philistins » et nous ont dispensé de nous poser des questions quant à leur présence dans ce monde.

Mais le meurtrier d’Abir Aramin a passé, à n’en pas douté, ce soir-là dans un bar ( Merde ! Quelle sale journée ! Une petite gamine marchait tout droit en face de mon viseur ) et il continue de passer encore bien d’autres soirs dans bien d’autres bars pendant que les parents de Abir réclament la justice à leurs occupants, à leurs oppresseurs.

Mon fils de 17 ans , Yigal, est resté présent au tribunal toute la journée avec une expression abasourdie sur le visage. Le même soir, il partait pour Auschwitz en voyage scolaire.

Par égard pour lui, j’espérais, je priais, j’implorais, j’ai failli crier à ces juges somnolentes – Beinish, Arbel, Fruccia - de trouver au fond d’elles-mêmes une lueur d’humanité, de sentiments maternels et d’oser regarder Salwa dans les yeux, Salwa qui n’a pas cessé de pleurer et de regarder le visage de cendre de Bassam et de dire : « La Haute Cour de Justice compatit avec vous qui avez perdu votre petite Abir. »

Mais elles ne l’ont pas fait.

Nurit Peled Elhanan
14.10.09
Source: http://www.ujfp.org/modules/news/article.php?storyid=609

dimanche 25 octobre 2009

Boycott et résistance : Israël et Afrique du Sud

Le boycott d’Israël prend une ampleur jamais vue grâce à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissements et Sanctions), portée par des militants du monde entier. Il s’élargit de jour en jour.

Certains arguments pour le boycott international d’Israël le présentent comme le moyen nouveau et ultime pour faire aboutir les droits du peuple palestinien, tous les autres ayant échoué. Selon ces pacifistes, le boycott est moyen plus efficace que la résistance armée des Palestiniens. Cette argumentation s’appuie généralement sur le modèle du boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. Dans cette optique, l’abolition de l’apartheid et la libération de Nelson Mandela auraient essentiellement été le résultat du boycott international.

La vérité historique est un peu plus nuancée.

Rappelons d’abord que le boycott d’Israël est un mot d’ordre très ancien. Dans les années 80, les anti-impérialistes boycottaient de la même façon les pamplemousses de Jaffa ou les avocats de Carmel que les oranges d’Outspan ou les pommes du Cap. Ce qui a rendu aujourd’hui le boycott d’Israël plus massif et populaire, c’est avant tout le massacre sauvage de la population de Gaza par Tsahal et la résistance acharnée des combattants palestiniens. La victoire de la résistance libanaise de 2006, dirigée par le Hezbollah, avait déjà préparé le changement dans l’opinion internationale.

La lutte pour l’abolition de l’Apartheid en Afrique du Sud peut effectivement servir de référence à la lutte actuelle pour la Palestine, à condition que son histoire soit restituée fidèlement. La place du boycott international dans cette histoire doit être correctement évaluée.

Nelson Mandela a forgé sa réputation internationale en 1963, alors qu’il était l’avocat de douze combattants Sud-Africains emprisonnés, dont lui-même, inculpés de sabotage. Lors de ce procès, il affirma avec force que « sans violence, aucune voie de permettait au peuple africain de triompher dans sa lutte contre la suprématie des Blancs (…) Nous avons choisi de défier la loi. Tout d’abord, par des moyens qui évitaient tout recours à la violence ; puis, quand cette forme a elle aussi été interdite par la loi, nous avons alors décidé de répondre à la violence par la violence » (procès de Rivonia).

C’est Mandela, qui trois ans auparavant, a créé la branche armée de l’African National Congress ( ANC), l’Umkhonto We Siswe (« lance de la Nation »). Quand il est arrêté en 1962, après dix-sept mois de clandestinité, c’est sous l’inculpation de sabotage et de tentative de renversement violent du gouvernement. C’est grâce à sa défense sans compromis de la lutte révolutionnaire de son peuple que Mandela a reçu un large soutien international et qu’il est devenu le plus célèbre prisonnier politique du monde.

Après le massacre de Soweto, en 1976, Nelson Mandela adresse une lettre au peuple sud-africain, dans laquelle il affirme prier avec lui pour les martyrs tout en appelant la jeunesse à s’engager massivement dans la lutte. Suite à cet appel, des milliers de jeunes sud-africains partiront s’entraîner pour la lutte armée au Mozambique et en Angola.

A plusieurs reprises, inquiet de la popularité toujours croissante du prisonnier Nelson Mandela, le gouvernement sud-africain lui proposera sa libération, à condition que Mandela rejette la lutte armée comme arme politique. La réponse de Mandela a toujours été très claire : c’était non.

La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir que l’arme du boycott international contre l’apartheid en Afrique du Sud a fonctionné comme un soutien à la lutte révolutionnaire du peuple et de ses organisations nationales. Que le peuple sud-africain a utilisé tous les moyens à sa disposition pour renverser le régime raciste, allié d’Israël, et mis en place par la colonisation. Et que c’est cette lutte de masse, y compris la lutte armée, qui a permis au boycott international de fonctionner comme un puissant levier de solidarité mondiale.

La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir que le résistant Mandela, chrétien d’abord pacifiste puis organisateur de la lutte armée et allié des communistes, a été un des premiers combattants à recevoir le titre honorable de « terroriste ». Son organisation, l’ANC, dont il était membre depuis 1943, a été mise hors-la-loi en 1960 par le gouvernement sud-africain. Condamné en 1964 pour terrorisme, l’administration Bush ne le retirera de sa « Terror watch list » qu’en juillet 2008 !

La jeunesse d’aujourd’hui a le droit de savoir qu’au nom de cette lutte contre le terrorisme, le gouvernement sud-africain, tout comme le gouvernement israélien aujourd’hui, a non seulement emprisonné des centaines de combattants mais également commandité l’assassinat ciblé, par des escadrons de la mort, de dizaines de responsables politiques du mouvement de libération sud-africain.

Tout comme le massacre de Gaza et la résistance armée de l’hiver 2008-2009, c’est le massacre de Soweto et le développement de la lutte de masse qui s’ensuivit, en 1976, qui a donné son ampleur internationale au mouvement de boycott, dont les premières sanctions avaient commencé dès la fin des années soixante.

La liquidation de l’apartheid en Afrique du Sud a ainsi été le résultat d’une combinaison constante entre tous les moyens de lutte sur le terrain et la solidarité internationale, dont le boycott fut le point culminant.

Le boycott du sionisme existe depuis sa mise en œuvre par la Ligue arabe en … 1945 ! Et depuis 1948, c’est avant tout la résistance acharnée du peuple palestinien, par tous les moyens dont il dispose, qui tient en échec le colonialisme et les guerres permanentes du sionisme. Et c’est parce que le peuple palestinien continue de résister que nous devons développer de toutes nos forces le mouvement de boycott d’Israël qui commence enfin à prendre l’ampleur nécessaire.

Le boycott n’est pas une alternative à la résistance, c’est un soutien à la résistance. Et pour que ce soutien soit complet et cohérent, il doit comprendre l’appel à retirer le Hamas, le FPLP et toutes les organisations palestiniennes de résistance des listes d’organisations terroristes, avec autant de passion que nous avons chanté et crié pendant des années « Free Nelson Mandela ».

Nadine Rosa-Rosso
25.10.09

Pour retirer les organisations de résistance palestinienne des listes "terroristes" voir:
www.recogniseresistance.net

samedi 24 octobre 2009

L'Union européenne manifeste un haut degré de machiavélisme

Il y a à peine une année et demie, en mai 2008, quelque 55 % des votants irlandais disaient non au Traité de Lisbonne. Le 2 octobre 2009, ils n’étaient plus que 35% bien que le Traité soit le même.

Le fait qu’une telle chose ait été possible a beaucoup à voir avec les mé­thodes de l’UE. Et c’est très inquiétant, car ces méthodes ont atteint un haut degré de machiavélisme.

On a cassé les reins aux Irlandais. On sait bien que ce sont eux qui ont le plus souffert de la politique financière de l’UE mais on sait moins que l’UE s’en est pris gravement à l’identité religieuse de ce peuple. Si gravement qu’au début de juin 2009, plusieurs mois avant le référendum, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, à propos de la campagne contre l’Eglise catholique d’Irlande, tirait dans un article intitulé «L’Irlande doute d’elle-même» la conclusion suivante: «Selon les sondages d’opinion irlandais, le oui au Traité de Lisbonne sera cette fois nettement majoritaire.»

Naomi Klein a appelé la stratégie utilisée à l’encontre de l’Irlande «stratégie du choc» et a écrit un livre important à ce sujet.(1) Il s’agit là d’une politique de puissance qui, à l’aide de méthodes brutales, met la population d’un pays dans un état de choc paralysant et utilise cette paralysie pour imposer une politique contraire aux intérêts du peuple.

Et maintenant, le président de la République tchèque Václav Klaus se trouve dans le collimateur. Au début de décembre 2008, il a pu se rendre compte de la manière dont l’UE traitait ceux qui ne veulent pas se soumettre aux diktats de Berlin, Paris, Londres et Bruxelles. Un groupe de députés du Parlement européen est allé le voir et l’a forcé à publier, après la rencontre, le procès-verbal de leurs entretiens.(2) On peut y lire notamment les propos du parlementaire Daniel Cohn-Bendit: «Votre avis sur le Traité de Lisbonne ne m’intéresse pas. Vous allez devoir le ratifier. En outre, je veux que vous m’expliquiez le degré de votre amitié avec Monsieur Ganley [le chef du parti irlandais Libertas dont la campagne a considérablement contribué au succès du non lors du référendum de mai 2008]. Comment pouvez-vous rencontrer un homme dont on ne sait pas qui le finance? Etant donné votre fonction, vous ne deviez pas le rencontrer.»

Le président tchèque a réagi d’une manière très compréhensible: «Depuis 6 ans [depuis qu’il est président], personne ne m’a jamais parlé sur ce ton. Nous ne sommes pas sur les barricades de Paris. Je croyais que ces méthodes avaient cessé pour nous il y a 19 ans. Je vois que je me suis trompé. […] Je ne me doutais pas qu’une telle chose était possible. Je n’avais pas vécu cela depuis 19 ans. Je croyais que cela appartenait au passé, que nous vivions en démocratie, mais l’UE fonctionne vraiment comme une post-démocratie. Vous avez parlé de valeurs européennes. Ce sont avant tout la liberté et la démocratie et c’est surtout à ces valeurs que sont attachés les citoyens de l’UE, mais aujourd’hui elles disparaissent de plus en plus.»
Voici maintenant le point de vue officiel: Le président de l’UE Reinfeldt a déclaré avant sa rencontre avec le Premier ministre tchèque Fischer à Bruxelles: «Dans le conflit à propos de la ratification du Traité de Lisbonne, l’Union européenne ne tient pas à exercer de pressions sur la République tchèque. Nous devons respecter le processus de ratification dans ce pays.» (Deutschlandfunk du 7 octobre)

Même la «Neue Zürcher Zeitung» – la Suisse n’est pourtant pas membre de l’UE –écrivait, le 6 octobre: «Le dernier acte de la tragédie tchèque à propos du Traité de Lisbonne, avec Václav Klaus dans le rôle principal, va s’achever. Si le président ne veut pas se plier, il devrait logiquement démissionner.»
On devine ce qui l’attend. Pendant ce temps, on se demande déjà qui devrait occuper le nouveau poste de président de l’UE. On évoque le nom de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Or il faut savoir que Blair est un menteur et un criminel de guerre qui a perdu toute estime dans le monde. Si cette proposition est sérieuse – et on a certaines raisons de le penser – cela signifie peut-être que l’UE ne tient plus du tout compte de l’opinion mondiale.

Mais cela peut également signifier que ceux qui tirent les ficelles dans l’UE ne tiennent pas à ce que l’UE soit capable d’agir et qu’ils préfèrent une quantité d’Etats paralysés et impuissants, Etats qui doivent être tenus en laisse par deux ou trois Etats aux intérêts de grandes puissances nationales et dirigés par la haute finance, avant tout la France de Sarkozy et l’Allemagne de Merkel. Il faut prendre très au sérieux les nouvelles majorités du Conseil selon le Traité de Lisbonne et l’avertissement lancé par le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn au début du mois de mai dernier: «L’UE a changé: elle est soumise à la volonté d’un directoire des grands et de quelques-uns de leurs vassaux».

Depuis pas mal de temps, l’Allemagne, la France (et la Grande-Bretagne) mènent une politique de grandes puissances qui se servent de l’UE pour arriver à leurs fins: l’Allemagne surtout en Europe de l’Est et du Sud-Est, la France dans l’espace méditerranéen. Quant à la Grande-Bretagne, elle poursuit sa politique d’ancienne puissance coloniale.

Le Traité de Lisbonne est un traité léonin pour les autres pays d’Europe. Il ne vaut pas la peine d’adhérer à l’UE et ceux qui ont été obligés de le faire pourraient se demander s’ils ne devraient pas en sortir.

Karl Müller
22.10.09

Notes:
1. Naomi Klein, La Stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008, ISBN: 978-2742775446
2. cf. notamment www.welt.de/welt_print/article2848566/Kein-Besuch-von-Freunden.html
Source: Mondialisation.ca

Moi, Jean S., enfant sans Défense.

Il est des combats qu’on aurait préféré ne pas avoir à mener. Des combats au bout desquels on se réveillerait en sursaut, trempé de sueur, en poussant un ouf de soulagement. Des combats qui se termineraient par un regard circulaire autour de la chambre, à faire l’inventaire des choses qui comptent dans la vie ; à reprendre contact avec la réalité en posant sa main sur l’épaule qui somnole à ses côtés ; à sentir le lent reflux du cauchemar laisser place à une forme de soulagement. Seulement voilà, dans la vraie vie, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Dans cette vie-là, c’est-à-dire celle-ci, il n’y a que des combats qu’on a décidé de ne pas abandonner. En voici un.

Cher Jean S.

Je voudrais exprimer par la présente toute ma solidarité. Je vous ai observé, tel un bébé phoque échoué sur la banquise de la vie publique recevoir les coups de gourdins de la populace déchainée. Je vois encore vos yeux m’interpeler d’un « m... mais, pourquoi ? » innocent et déchirant. Alors me voici.

Si la classe médiatico-politique a su se mobiliser pour défendre quelques pédophiles bien introduits dans le milieu, j’aimerais être celui qui - pour une fois - défendra l’enfant que vous êtes, virgule, demeuré.

Et quoi de plus tendre, de plus émouvant qu’un enfant sans Défense ?

Oui, je sais. On dit que vous êtes « bien né » et on vous reprocherait presque que le hasard de la vie vous ait donné comme père un homme qui a été élu P. de la Ré. Mais sachez-le, Jean S., moi je vous aime bien, tout fils de P. que vous êtes.

Et il faut être vraiment aveugle pour ne pas reconnaître les qualités qui font de vous un être d’une autre trempe. Une trempe que j’aurais été fier de vous filer moi-même, n’en déplaise aux envieux, car je sais combien vous la méritez, cette trempe.

23 ans… ah le bel âge. Et dire qu’il y a cinq ans à peine, vous n’aviez même pas le droit de voter. Mais que de choses apprises, en si peu de temps ! Qu’ils raillent ! Qu’ils gloussent : car que connaissent-ils, tous ces montreurs du doigt, des affres ressentis lorsqu’il faut passer pour la énième fois par la case départ d’une année d’études ? Eh oui, tellement de choses apprises aux côtés de son papa.

- Jean …
- Oui, p’pa ?
- je veux que tu prennes la direction de la Défense.
- Ok. Je tourne au feu et on y est dans 10 minutes.
- (Soupir... Eh ben c’est pas gagné... Sa mère avait raison au moins sur un point...)

Des causes perdues, Jean S., j’en ai connues. Mais vous êtes probablement une des plus grandes causes perdues que la France d’en haut ait jamais pondue dans ses poulaillers d’acajou. (et dire que je ne sais toujours pas s’il faut faire concorder "pondue" ou pas)

Cela dit, je regrette amèrement que vous ayez renoncé à briguer la tête du quartier d’affaires de la Défense. En effet, je ne vois pas au nom de quoi certains vous reprocheraient votre candidature. Dans notre belle et vivante démocratie, n’importe quel clampin de passage peut se « déclarer » candidat à quelque chose. Et alors ? OU est le problème ? Le problème n’est pas dans la candidature, Jean S. Le problème est dans le résultat de l’élection.

On a un peu trop facilement oublié que si vous (Jean S.) étiez candidat, c’est que ces messieurs (les membres du conseil d’administration de l’EPAD) allaient voter pour vous. Vous entendez ? Ils allaient le faire !

En retirant votre candidature, Jean S. vous avez privé la France du spectacle grandiose, grandiloquent, grotesque et Omar Bongoesque d’un conseil d’administration composé de « responsables » de haut niveau baisser leurs pantalons jusqu’aux chevilles, caleçons avec, pour élire le fils légèrement post-pubère du Boss à la tête d’un des plus gros centres d’affaires en Europe.

J’aurais aimé voir capter sur vidéo - et pour la postérité, avec la liste des noms et tout - cette tribu de singes en costumes trois pièces en train de vous élire avec moins d’états d’âme que de préliminaires en pleine saison de rut.

Car le scandale, le véritable scandale, n’est pas votre candidature, Jean S… Le véritable scandale, c’est que votre candidature n’a pas été accueillie au sein du C.A. par quelques sourires amusés - avant de passer à des choses plus sérieuses...

Le véritable scandale, donc, c’est que ces types aient pu prendre votre candidature au sérieux.

Le véritable scandale, c’est qu’ils allaient vous élire, ces cons.

Et l’autre véritable scandale, celui qui me donne le vertige, c’est qu’ils sont toujours en place.

Et vous me demandez encore, Jean S., d’où vient cet étrange sentiment que plus rien n’a de sens dans la France d’aujourd’hui ?

Viktor Dedaj
"y’a de quoi monter dans les tours"
23.10.09

Source: Le Grand Soir

vendredi 23 octobre 2009

Blair contesté pour la présidence de l'Europe

L'ancien premier ministre britannique suscite la méfiance des « petits » pays et des autres institutions de l'UE.

La route vers la présidence de l'Europe se complique pour Tony Blair. Il y a quelques semaines encore, il semblait le mieux placé pour le prestigieux poste de président du Conseil européen. Mais, au fur et à mesure que se rapproche l'heure du choix, crispations et jeux de pouvoir font tanguer la perspective de sa nomination.

Les eurodéputés sont montés au créneau mercredi, avec une pétition ostensiblement anti-Blair. Le texte, lancé par cinq parlementaires, déroule une musique connue : il faut une personnalité «avec laquelle les peuples d'Europe puissent s'identifier». Pas sûr qu'avec son atlantisme pro-Bush, son soutien à la guerre en Irak et son pays eurosceptique, Tony Blair renvoie aux Européens une image enthousiasmante. Autres critères avancés : le candidat devrait venir d'un pays appartenant à la zone euro et à l'espace Schengen de libre circulation - ce qui n'est pas le cas de la Grande-Bretagne - et respectant la charte des droits fondamentaux, à laquelle Londres a négocié des dérogations. «Faut-il souligner que ce profil ne correspond absolument pas au candidat préféré de quelques grands pays, à savoir l'ancien premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair ?», s'interrogent les contestataires, emmenés par le socialiste luxembourgeois Robert Goebbels.

Pour que la pétition ait valeur de résolution adoptée par le Parlement, il faudrait qu'elle recueille la signature de la moitié des 736 eurodéputés. On n'en est pas encore là, mais ses arguments pourraient faire mouche.

La faiblesse des autres candidatures

Au début du mois, les pays du Benelux avaient dressé un portrait-robot fort similaire du futur président de l'Europe. Pour eux, le candidat devait «avoir démontré son engagement européen et développé une vision sur l'ensemble des politiques de l'Union». La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg réglaient peut-être là de vieux comptes, comme le fait que Londres ait bloqué l'accession du Belge Guy Verhofstadt à la tête de la Commission en 2004. Mais ils disaient aussi les inquiétudes des «petits» pays de se voir évincés des postes de commande dans le futur paysage européen.

Dans la foulée, le chancelier autrichien a fait part de ses doutes sérieux sur le profil de Blair. Nicolas Sarkozy, jusque-là ardent défenseur du candidat britannique, a soudain semblé plus tiède en jugeant problématique que la Grande-Bretagne ne soit pas dans la zone euro. À Berlin, on garde le silence - mais force est de constater que quatre des cinq initiateurs de la pétition anti-Blair sont allemands… Il n'y a guère que Silvio Berlusconi pour lui garder son soutien, ce qui pourrait être un cadeau empoisonné.

C'est que la nomination du président de l'Europe touche une corde sensible. Instauré par le traité de Lisbonne, qui semble en bonne voie d'être adopté rapidement, après les dernières résistances de l'eurosceptique Vaclav Klaus, le poste a encore des contours flous. Président des travaux du Conseil, quel équilibre trouvera-t-il au sein de la machine européenne ? Visage et voix de l'Europe, empiétera-t-il sur les prérogatives du haut représentant, ce futur «ministre des Affaires étrangères» de l'Union ?

De fait, le premier à occuper le fauteuil de président lui donnera une impulsion décisive. Tony Blair a la stature internationale pour faire le poids face aux interlocuteurs américains, russes ou chinois. Mais avec son carnet d'adresses, son charisme et son aisance face aux médias, certains redoutent qu'il ne fasse de l'ombre aux autres institutions européennes, notamment au président de la Commission, José Manuel Barroso.

Cet épineux dossier sera vraisemblablement évoqué lors du sommet de l'UE des 29 et 30 octobre. La grande chance de Blair est peut-être la faiblesse des autres candidatures. Les noms de Guy Verhofstadt, du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker ou du Finlandais Paavo Lipponen sont régulièrement avancés. À moins que l'Europe ne choisisse une femme, et dans ce cas l'Irlandaise Mary Robinson aurait ses chances. Leur bilan européen est impeccable. Mais il faudrait peut-être une personnalité plus forte pour représenter l'Union européenne et ses 500 millions d'habitants.

Claire Gallen
22.10.09
Source: Le Figaro

jeudi 22 octobre 2009

Antifascistes encore un effort, ...si vous voulez l'être vraiment.

"Pour guérir radicalement la censure, il faudrait la supprimer car l'institution est mauvaise et les institutions sont plus puissantes que les hommes".
Karl Marx[1]

Divers amis se sont inquiétés du fait que mon nom soit cité dans un article (non signé) de « REFLEXes », intitulé « Procès Dieudonné - Faurisson : la Cour des Miracles négationnistes » et relayé par l'AFPS (http://www.france-palestine.org/article12838.html) et Bellaciao (http://bellaciao.org/fr/spip.php?article91875).
J'ai donc lu l'article avec attention; il s'attaque à un certain nombre de gens qui ont assisté au procès de Dieudonné et Faurisson suite au spectacle du Zénith[2] et particulièrement à Paul-Eric Blanrue, auteur du livre « Sarkozy, Israël et les juifs » (voir http://sarkozyisraeletlesjuifs.blogspot.com/), dont j'ai recommandé la lecture. Cet article est intéressant parce qu'il illustre tous les défauts d'une certaine « gauche antifasciste ».

Le fond de l'affaire tourne autour de la liberté d'expression. Ayant expliqué ailleurs mon point de vue à ce propos (http://www.legrandsoir.info/La-liberte-d-expression-quels- principes.html), je ne vais pas y revenir en détail. Et, avant de continuer, je voudrais souligner (même si cela devrait être inutile) que défendre la liberté d'expression de X ne signifie nullement approuver les idées de X. Cette défense découle seulement d'une réflexion sur les principes de droit sur lesquels repose une société démocratique. Et, dans une société réellement démocratique, il y aura nécessairement une telle multiplicité d'opinions qu'il est impossible de les approuver toutes - mais on peut néanmoins considérer que l'expression de toutes ces idées, aussi folles et mutuellement contradictoires qu'elles soient, doit être légale. La liberté d'expression est un principe fondamental de la démocratie, et pas, comme on le dit trop souvent, un « prétexte » pour « soutenir » X ou Y. Il est pour le moins étrange que des « antifascistes » approuvent le fait que l'on rende, comme l'a dit Chomsky à propos de l'affaire Faurisson, un triste hommage aux victimes de l'holocauste en adoptant la doctrine centrale de leurs bourreaux, à savoir qu'il appartient à l'état de déterminer lavérité historique et de condamner ceux qui ne s'y conforment pas.

Mais, même si l'on ne partage pas ce point de vue, la question de la pente glissante se pose: jusqu'où ira-t-on dans la répression des opinions « scandaleuses »? On requiert un an de prison (avec sursis) contre Dieudonné pour un sketch. On est évidemment libre d'estimer ce sketch de très mauvais goût, insultant, et le condamner moralement[3]. Mais un an de prison (même avec sursis)? Que répondra-t-on aux Noirs et aux musulmans qui pourraient se sentir insultés par d'autres sketches (y compris certains sketches de Dieudonné)? Comment éviter que les musulmans, qui se considèrent insultés par les caricatures du Prophète, et l'impunité dont elles jouissent (heureusement), n'y voient une nouvelle preuve du « deux poids, deux mesures » à leur égard[4]?
Aujourd'hui, divers courants au sein de l'Union Européenne veulent sacraliser la mémoire des «victimes du communisme ». Où s'arrêtera-t-on? Une partie de la gauche s'inquiète de cette dernière sacralisation-mais peut-être aurait-elle été mieux avisée de ne pas entrer, justement à propos des victimes du fascisme, dans le jeu de la sacralisation.
A mon humble avis, c'est cette constante restriction de la liberté d'expression qui devrait donner « froid dans le dos » aux antifascistes véritables.

Par une pure coïncidence, cette affaire Dieudonné se produit en même temps que la levée de boucliers du monde intellectuel et artistique en faveur de Polanski. Alors que, dans cette dernière affaire, le « talent artistique » semble tout permettre, même des miracles, comme le fait de commettre une erreur de jeunesse (dixit BHL) à 43 ans, ou d'avoir des rapports sexuels avec une mineure non consentante sans commettre de viol (dixit Costa-Gavras), pas un mot n'est prononcé par ce même monde intellectuel et artistique en faveur de Dieudonné qui, au cours de toute sa carrière, n'a jamais été « coupable » que de délit d'opinion. Dans le cas de Polanski, le fait qu'une fille pose nue (Finkielkraut) ou paraisse plus âgée qu'elle n'est (Costa- Gavras), ou que le violeur soit une victime (du nazisme et du communisme-Finkielkraut et BHL) sert de circonstance atténuante. Finkielkraut vit dans « l'épouvante ». Lelouch compare la police suisse à la Gestapo. BHL en appelle à l'esprit de tolérance suisse, mentionnant Voltaire, comme si c'était Polanski et non Dieudonné qui était poursuivi pour délit d'opinion. Etrange époque où la lutte contre « l'ordre moral» et contre le «fascisme », ou encore le « il est interdit d'interdire », mènent simultanément à la complaisance à l'égard du viol et au rejet de la simple liberté d'expression.

L'article de REFLEXes soulève aussi le problème du « guilt by association », de la culpabilité par association, fortement dénoncée aux Etats-Unis, surtout dans la gauche, parce que c'était une des armes favorites du McCarthysme. Que viennent faire dans cet article Michel Collon, la librairie Résistance et moi-même? Michel Collon rien, à part le fait que j'en suis « proche ». Mais pourquoi le citer lui et pas Noam Chomsky, Alan Sokal, Régis Debray, Anne Morelli, ou quantité d'autres, dont je suis tout aussi « proche »?

La librairie Résistances, elle, a été attaquée par des nervis sionistes et a tenu un meeting en plein air suite à cette agression, au cours duquel Me Bastardi Daumont, avocat de Blanrue et de Faurisson, a pris la parole. Où est le crime? Que reproche-t-on à Me Bastardi Daumont? Suggère-t-on que Faurisson ne doit pas avoir d'avocat, contrairement aux pires assassins? S'il doit bien en avoir un, est-ce un crime d'être celui-là? Pense-t-on qu'un avocat partage nécessairement les vues de son client? Pourquoi cette coïncidence (être à la fois l'avocat de Blanrue, de Faurisson et participer au meeting de soutien à la librairie) ? Sans doute parce que, précisément à cause du climat de terreur intellectuelle « antifasciste » qui règne en France, les avocats prêts à défendre le principe de la liberté d'expression ne se bousculent pas au portillon.

Et moi-même? J'ai lu le livre de Blanrue et je l'ai trouvé salutaire. Bien que moins complet, il est un peu le « Mearsheimer et Walt » français, en ce sens qu'il met, pour la première fois, le doigt sur un problème fondamental de nos sociétés, à savoir l'extraordinaire influence sur notre vie politique des réseaux pro-israéliens (ou du lobby pro- israélien comme disent Mearsheimer et Walt). Je le lui ai dit et je l'ai autorisé à me citer sur son site. Je ne lui ai pas trouvé d'éditeur, contrairement à ce qu'affirment nos spécialistes de l'antifascisme (et du renseignement), même si j'aurais été heureux de pouvoir le faire. Comme le dit Alain Gresh, le livre de Blanrue « mérite débat »; mais le livre a été de facto censuré en France, vu que le diffuseur français de son éditeur belge a refusé de le distribuer (initiative extraordinaire de la part d'un diffuseur, si on y réfléchit: qu'est-il advenu du bon vieux capitalisme et de la « soif de profit »?). De plus, bien que Blanrue soit un auteur relativement connu, aucun grand média ne parle de son livre. La puissance des réseaux sionistes est accrue par le tabou qui empêche de parler d'eux. Le terrorisme intellectuel « antifasciste » ne fait que renforcer ce tabou. Le grand mérite de Blanrue est de tenter de sortir de ce cercle vicieux qui, comme il le souligne d'ailleurs , n'est pas, à terme, « bon pour les juifs ».

Bref, j'apprécie le livre de Blanrue et je le dis. Quelle relation entre cela et le fait qu'il assiste au procès Dieudonné-Faurisson (ce qui, vu les enjeux juridiques de cette affaire, est tout à fait compréhensible) ou qu'il ait eu dans sa jeunesse des activités « suspectes » (aux yeux de la police de la pensée) en Moselle? Il a été chrétien? Je vais l'avouer: moi aussi (ainsi, il existe encore des chrétiens en France et en Belgique; quelle horreur! Que fait la police?). Il a été royaliste? Moi pas, mais en tant que Belge, j'en ai rencontré beaucoup et je n'ai pas remarqué qu'ils mangeaient des enfants au petit déjeuner. Et j'ai connu assez de gens qui ont, dans leur jeunesse, fait une apologie sans nuance de Staline, de Mao, ou de toute forme de violence, pourvu qu'elle soit « révolutionnaire » (et dont certains se sont recyclés dans l'antifascisme), pour que le genre d'accusations portées contre Blanrue me laisse froid (est-il vraiment si fréquent de trouver des gens en France dont le parcours est, comme dit REFLEXes, « politiquement limpide et irréprochable »?).

De plus, quand il s'agit d'auteurs comme Heidegger, Céline ou Foucault (oui, oui, même Foucault), il est permis de citer, d'étudier, d'admirer une partie de leur œuvre sans se soucier de ce qu'ils ont dit ou fait par ailleurs, et qui est souvent plus étrange que ce que l'on reproche à Blanrue. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir la même attitude par rapport au citoyen Blanrue? Existe-t-il un principe de Polanski généralisé qui veut que pour des gens suffisamment célèbres (Heidegger et co), on puisse parler de leur œuvre ou d'une partie de celle-ci sans parler de la personne ou de l'ensemble de l'œuvre, mais pour les moins célèbres, non?

J'avoue également avoir un petit problème avec la notion d'extrême droite en France. Pour les « antifascistes », l'extrême droite, ce sont exclusivement les gens qui sont supposés être nostalgiques de Vichy, de la monarchie, de l'Algérie française, qui sont trop souverainistes à leur goût, ou encore, pour certains, les « islamo-fascistes ».

Mais pourquoi la censure n'est-elle pas d'extrême droite? Pourquoi l'apologie de la guerre (et la négation de crimes de guerre) à Gaza, au Liban, en Afghanistan et en Irak ne l'est- elle pas? Pourquoi le fait de considérer qu'un peuple a le droit de s'installer sur la terre d'un autre et de l'en chasser à jamais (c'est-à-dire en lui refusant tout droit au retour) n'est- il pas d'extrême droite? Pourquoi n'est-il pas d'extrême droite de célébrer comme démocratique (avilissant ainsi ce concept) un état défini explicitement sur une base ethnique[5]? Pourquoi la notion de culpabilité collective (appliquée au peuple allemand, français etc.) n'est-elle pas de « l'essentialisme raciste » et donc d'extrême droite? N'est-ce pas encore plus le cas quand cette culpabilité devient transmissible aux descendants?

Si l'on veut bien élargir ainsi la notion d'extrême droite (ce qui me semble justifié d'un point de vue conceptuel et historique), on se rend compte que le gouvernement français, la plupart des médias et des intellectuels, et bien sûr, une bonne partie de la « gauche antifasciste » sont d'extrême droite, ce qui complique considérablement la nécessaire « lutte contre l'extrême droite ». Il ne suffit pas de ne pas « ouvrir son antenne » à Soral ou à de Benoist, mais il faudrait la refuser à pratiquement tout le monde. De plus, l'extrême droite la plus dangereuse est-elle celle de la « nostalgie », ou celle qui influence la politique et la pensée occidentale actuelles?

Finalement, il est regrettable de voir que des articles comme celui de REFLEXes sont repris par des associations pro-palestiniennes comme l'AFPS (ou Bellaciao). Bien sûr, ils ont le droit de le faire, là n'est pas la question. Mais le fait de diffuser certains articles plutôt que d'autres est un choix politique, et ce choix peut être discuté. Or ce choix signifie que la priorité, pour ces organisations, n'est pas de défendre la liberté d'expression mais bien de hurler avec les loups dans la dénonciation des « méchants » (Dieudonné, Blanrue etc.).

Comment ne pas voir que le discours sur l'holocauste est instrumentalisé pour soutenir Israël et pour faire taire les critiques (la question n'étant pas de « mettre en cause » l'holocauste, mais de se demander pourquoi cet événement doit déterminer notre politique étrangère)? Le temps où une majorité de gens aimaient réellement Israël, « la seule démocratie au Moyen-Orient », « la villa au milieu de la jungle » etc. est passé. Mais l'étape qui reste à franchir, pour qu'une autre politique envers le Moyen-Orient soit possible, est de libérer la parole et de faire cesser l'intimidation et la culpabilisation à propos de tout ce qui concerne Israël et le sionisme. La « solidarité avec la Palestine » commence ici, principalement dans la lutte contre les réseaux pro-israéliens. Diffuser et faire connaître le livre de Blanrue, ou celui de Mearsheimer et Walt, défendre la liberté d'expression, aider à libérer le discours et à ouvrir le débat, c'est réellement « aider la lutte des Palestiniens », et c'est l'aider de façon essentielle.

Nous ne devons pas montrer aux sionistes que nous sommes « gentils », en nous « démarquant » sans arrêt de X ou de Y qui a eu une parole trop dure ou trop franche, mais montrer que nous sommes libres et que le temps de l'intimidation est passé. Heureusement, de même que les Palestiniens résistent, il existe encore des gens en France qui défendent les principes les plus élémentaires de la République et de la laïcité. Il ne reste plus qu'à souhaiter que les « antifascistes » se joignent à eux.

Jean Bricmont
20.10.09

[1] Remarque sur la récente règlementation de la censure prussienne, 1842, Textes philosophiques, 1842-1847, Cahier Spartacus, no 33, 1970.
[2] Au cours duquel (en décembre 2008) Dieudonné fit remettre un « prix de l'infréquentabilité et de l'insolence» à Robert Faurisson, par son assistant déguisé en costume de déporté. Suite à cela, Dieudonné est poursuivi, entre autres, pour insultes à caractère raciste.
[3] Il faut néanmoins rappeler que si la liberté d'expression était respectée en France, il n'y aurait jamais eu d'affaire Faurisson, ce dernier serait probablement inconnu et il n'y aurait probablement pas eu le show du Zénith. La censure incite toujours à la transgression et il n'y a aucune raison de penser que l'affaire du Zénith soit la dernière du genre, quelles que soient les peines qui seront prononcées.
[4] Voir la vidéo http://www.youtube.com/watch?v=KvNPhiT0b0I pour une illustration de ce sentiment d'injustice.
[5] Par exemple, où faut-il situer sur le spectre politique la citation suivante: « Si l’on regarde une carte du monde, en allant vers l’est : au-delà des frontières de l’Europe, c’est-à-dire de la Grèce, le monde démocratique s’arrête. On en trouve juste un petit confetti avancé au Moyen- Orient : c’est l’État d’Israël. Après, plus rien, jusqu’au Japon. [...] Entre Tel-Aviv et Tokyo règnent des pouvoirs arbitraires dont la seule manière de se maintenir est d’entretenir, chez des populations illettrées à 80%, une haine farouche de l’Occident, en tant qu’il est constitué de démocraties. » Elle est de Philippe Val (dans Charlie-Hebdo, 26 juillet 2006), ancien directeur de Charlie-Hebdo et actuel directeur de France Inter. Voir Le plan B, Frappes médiatiques sur le Liban, 5 janvier 2009 (http://www.leplanb.org/spip.php?page=article&id_article=102); ce journal précise: « selon le Rapport des Nations unies sur le développement humain de 2003, seuls trois pays au monde avaient alors un taux d’illettrisme supérieur à 80%. Et aucun d’entre eux n’était situé entre Tel-Aviv et Tokyo, puisqu’il s’agissait du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Ailleurs, entre Tel-Aviv et Tokyo, le taux d’illettrisme était de 23% en Iran, de 9% en Chine, de 7% aux Philippines. Et... de 13% au Liban. »

mercredi 21 octobre 2009

Invitation à une conférence

En avril 2004, compte-tenu de la persistance d'Israël dans ses violations du Droit international et de l'échec de toutes les formes d'interventions et de processus de paix pour amener Israël à se soumettre au droit humanitaire, la Palestine occupée a lancé un appel de boycott de toutes les institutions académiques et culturelles israéliennes jusqu'à ce qu'elles en répondent au Droit international et aux principes des Droits de l'Homme.

Cet appel s'inspire de la lutte des Sud-Africains contre l'apartheid, dans un esprit de solidarité internationale, de cohérence morale et de résistance contre l'injustice et l'oppression. Boycott, Désinvestissement, et Sanctions sont dès lors proposées comme actions non-violentes pour contraindre Israël à se soumettre au droit international, incluant la fin de l'occupation, le droit au retour pour les réfugiés palestiniens, et l'obtention de droits égaux pour tous les citoyens palestiniens d'Israël [1].

Aujourd'hui, le boycott académique prend place dans le cadre plus vaste de la campagne BDS - Boycott, Désinvestissement, Sanctions - et réunit un soutien international remarquable qui a déjà mené à de nombreuses victoires significatives partout dans le monde. La Belgique ne fait pas l'exception. Plusieurs institutions culturelles, organisations et personnalités ont ouvertement plaidé en faveur du BDS, sous différentes formes, et luttent sans relâche pour sensibiliser et défendre l'appel lancé par la société civile palestinienne.

Et pourtant, la logique et les conditions de cet appel au boycott restent encore bien souvent incomprises au sein de la société belge en général, ceci amenant son lot de confusion et déclenchant nombre de discussions passionnées autour des motivations de cet appel, sa légitimité et son efficacité. Pour répondre à cette incompréhension et à l'incertitude dont le boycott académique d'Israël fait l'objet, le Brussels Palestine Collective a décidé d'organiser une conférence publique sur ce thème.

La conférence aura lieu ce vendredi 23 octobre à partir de 19h et accueillera deux intervenants renommés: d'un côté, le professeur Ilan Pappe, actuellement directeur du département d'Histoire de l'Université d'Exeter et co-directeur de l'Institut d'études ethno-politiques d'Exeter. Ilan Pappe a aussi été le fondateur de l' “Institute for Peace studies” à Haviva Israël (1992 – 2000), ainsi que le directeur du “Emil Touma Institute for Palestinian Studies” à Haifa (2000 – 2008). D'autre part, Samia Botmeh, directrice du "Birzeit University's Center for Development Studies" et, professeur d'Economie et d'Etudes de genre. Elle est aussi l'un des membres du comité de pilotage de la "campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d'Israël" (PACBI – www.pacbi.org).

Ce projet porte notre intention sincère de contribuer à clarifier la portée et le sens de l'Appel palestinien pour le boycott d'Israël, ainsi que de faire émerger un espace de discussion qui pourra défendre une paix juste fondée sur la justice, le Droit international, le respect des Droits de l'homme et, une égalité inconditionnelle.

Conférence:
"Parvenir à la paix par la justice: le boycott d'Israël"
Vendredi 23 octobre 2009 à 19h
rue Pletinckx, 19 à 1000 Bruxelles
Entrée libre

SUPPORTS : attac-ulb, Association Belgo-Palestinienne, COBI, VREDE,INTAL, Génération Palestine, Mouvement Citoyen Palestine, Brussels Tribunal, Investig’Action